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FORMATION ET CARACTÈRES DU NOUVEL ÉTAT


de la Hollande et de la Suisse, la nation était tenue de veiller en armes ; rien que pour demeurer intacte et complète, pour conserver la Belgique et la frontière du Rhin, il lui fallait un gouvernement capable de concentrer toutes ses forces, c’est-à-dire élevé au-dessus de la discussion et ponctuellement obéi. — De même au dedans, et rien que pour rétablir l’ordre civil ; car, là aussi, les violences de la Révolution avaient été trop grandes ; il y avait eu trop de spoliations, d’emprisonnements, d’exils et de meurtres, trop d’attentats contre toutes les propriétés et toutes les personnes, publiques et privées. Faire respecter toutes les personnes et toutes les propriétés publiques ou privées, contenir à la fois les royalistes et les jacobins, rendre à 140 000 émigrés leur patrie, et néanmoins rassurer les 1 200 000 propriétaires de biens nationaux, rendre à trente millions de catholiques orthodoxes le droit, la faculté, les moyens de pratiquer leur culte, et cependant ne pas laisser maltraiter le clergé schismatique, mettre en présence dans la même commune le seigneur dépossédé et les paysans acquéreurs de son domaine, obliger les délégués et les détenus du Comité de Salut public, les mitrailleurs et les mitraillés de Vendémiaire, les fructidoriens et les fructidorisés, les bleus et les blancs de la Vendée et de la Bretagne à vivre en paix les uns à côté des autres, cela était d’autant moins aisé que les ouvriers futurs de cette œuvre immense, tous, depuis le maire de village jusqu’au sénateur et au conseiller d’État, avaient eu part à la Révolution, soit pour la faire, soit pour la subir, monar-