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LE RÉGIME MODERNE


ses mains le pire des persécuteurs, des voleurs et des meurtriers.

III

Deux fois de suite, avec la Constitution monarchique de 1791 et avec la Constitution républicaine de 1795, l’expérience avait été faite ; deux fois de suite, les événements avaient suivi le même cours pour aboutir au même terme ; deux fois de suite, l’engin théorique et savant de protection universelle s’était changé en un engin pratique et grossier de destruction universelle. Manifestement, si une troisième fois, dans des conditions analogues, on remettait en jeu le même engin, il fallait s’attendre à le voir jouer de même, c’est-à-dire au rebours de son objet. — Or, en 1799, les conditions étaient analogues et même pires ; car le travail qu’on demandait à la machine n’était pas moindre, et les matériaux humains que l’on avait pour la construire étaient moins bons. — Au dehors, on était toujours en guerre avec l’Europe ; on ne pouvait atteindre à la paix que par un grand effort militaire, et la paix était aussi difficile à maintenir qu’à conquérir. L’équilibre européen avait été trop dérangé ; les États voisins ou rivaux avaient trop pâti ; les rancunes et les défiances provoquées par la république envahissante et révolutionnaire étaient trop vives ; elles auraient subsisté longtemps contre la France rassise, même après des traités raisonnables. Même en renonçant à la politique de propagande et d’ingérence, aux acquisitions de luxe, aux protectorats impérieux, à l’annexion déguisée de l’Italie,