fossé, encore cette barrière ; après l’obstacle qui semble le dernier, il y en aura d’autres, et, dans tous les cas, le cheval restera forcément à perpétuité ce qu’il est déjà, je veux dire une monture, et une monture surmenée. Car, dans cette expédition de Russie, au lieu d’un désastre effroyable, supposez un succès éclatant, une victoire à Smolensk égale à celle de Friedland, un traité à Moscou plus avantageux que celui de Tilsitt, le tsar soumis, et suivez les conséquences : probablement le tsar étranglé ou détrôné, une insurrection patriotique en Russie comme en Espagne, deux guerres permanentes aux deux extrémités du continent contre le fanatisme religieux, plus irréconciliable que les intérêts positifs, et contre la barbarie éparse, plus indomptable que la civilisation unitaire ; au mieux, un empire européen sourdement miné par une résistance européenne, une France extérieure superposée de force au continent asservi[1], des résidents et commandants français à Saint-Pétersbourg et Riga comme à Dantzig, Hambourg, Amsterdam, Lisbonne, Barcelone et Trieste ; tous les Français valides employés, de Cadix à Moscou, pour maintenir et administrer la conquête ; tous les adolescents valides saisis chaque année par la conscription, et, s’ils ont échappé à la conscription, ressaisis par des décrets[2], toute la population mâle appliquée à des
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LE RÉGIME MODERNE