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LE RÉGIME MODERNE


en d’autres termes, vous subirez un blocus continental déclaré ou déguisé, et vous pâtirez en paix comme si nous étions en guerre. Cependant je tiens toujours mes yeux fixés sur l’Égypte ; « six mille Français suffiraient aujourd’hui pour la reconquérir[1] ; » de force ou autrement, j’y reviendrai ; les occasions ne me manqueront pas, et je les guette : « Tôt ou tard, elle appartiendra à la France, soit par la dissolution de l’empire ottoman, soit par quelque arrangement avec la Porte[2]. » Évacuez Malte, pour que la Méditerranée devienne « un lac français » ; je veux régner sur la mer comme sur la terre, et disposer de l’Orient comme de l’Occident. En somme, « avec ma France, l’Angleterre doit finir naturellement par n’en plus être qu’un appendice : la nature l’a faite une de nos îles, comme celle d’Oléron ou la Corse[3] ». Naturellement, devant cette perspective, les Anglais gardent Malte et recommencent la guerre. — Il a prévu le cas, et sa résolution est prise ; d’un coup d’œil il aperçoit et mesure la carrière qu’il va fournir ; avec sa lucidité ordinaire, il a compris et il annonce que la résistance des Anglais va

    (séance du 4 mars 1806) : « Quarante-huit heures après la paix avec l’Angleterre, je proscrirai les denrées étrangères et promulguerai un acte de navigation qui ne permettra l’entrée de nos ports qu’aux bâtiments français, construits avec du bois français, montés par un équipage aux deux tiers français. Le charbon même et les milords anglais ne pourront aborder que sous pavillon français. » — Ib., 32.

  1. Moniteur, 30 janvier 1803 (Rapport de Sébastiani).
  2. Hansard, t. XXXVI, 1298 (Dépêche de lord Whitworth, 21 février 1803, paroles du Premier Consul à lord Whitworth).
  3. Mémorial (Paroles de Napoléon, 24 mars 1816).