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LA RÉVOLUTION


bine, chacune picorant dans la denrée pour laquelle elle a du goût, chacune ayant son genre préféré de rapine. — À Nantes, « Pinard est le grand pourvoyeur du comité[1], et fait conduire chez chacun des membres tout ce dont ils ont besoin pour l’usage journalier de leur maison ». — « Gallon s’approprie les huiles, les eaux-de-vie », et, notamment, « en prend plusieurs barils chez le citoyen Bissonneau ». — « Durassier fait des visites domiciliaires et exige des contributions » ; entre autres, « il fait payer au

  1. Moniteur, XXII, 240 (Acte d’accusation des quatorze membres du Comité révolutionnaire de Nantes, et résumé de l’enquête, 23 vendémiaire an III). — Sur les autres comités, quand les renseignements individuels manquent, le jugement d’ensemble est presque toujours aussi accablant. — Ib., 144 (séance du 12 vendémiaire an III, plainte d’une députation de la commune de Ferney-Voltaire) : « Le district de Gex fut en proie, pendant plus d’un an, à cinq ou six fripons qui vinrent s’y réfugier. Sous le masque du patriotisme, ils parvinrent à accaparer toutes les places. Des vexations de tout genre, des vols chez les particuliers, des dilapidations de deniers publics furent commis par ces monstres. » (Les députés de Ferney ont apporté avec eux les dépositions des témoins.) — Moniteur, XXII, 290 (Lettre du représentant Goupilleau, Béziers, 28 vendémiaire an III : « Ces gens carnivores, qui regrettent le temps où il leur était loisible de voler et de massacrer impunément,… qui n’avaient pas de pain il y a six mois, et qui vivent maintenant dans une scandaleuse opulence,… dilapidateurs de la fortune publique, voleurs de celle des particuliers,… coupables de rapines, de contributions forcées, de concussions, etc. » — Prudhomme, les Crimes de la Révolution, VI, 79 (sur le comité révolutionnaire installé par Fouché à Nevers). L’enquête locale prouve que les onze principaux étaient des gens tarés, prêtres défroqués et scandaleux, avocats et notaires chassés de leur corporation ou même de la Société populaire pour improbité, comédiens sans le sou, chirurgiens sans clients, viveurs incapables et ruinés, l’un d’eux repris de justice.