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LES GOUVERNANTS


« pris un arrêté qui a défendu à toute autorité de faire lever les scellés sans notre autorisation, et, après cette défense, on est venu enfoncer un magasin séquestré, forcer les serrures et piller, jusque sous nos yeux, dans notre propre maison. Et qui étaient ces dilapidateurs ? Précisément deux commissaires du comité, qui vidaient le magasin sans autorisation de nous, et même sans être munis de pouvoirs par le comité. » — C’est un sac en règle et quotidien ; il a commencé le 10 octobre 1793, il a continué depuis, sans interruption, et l’on vient de voir que, le 23 floréal an II, c’est-à-dire le 26 avril 1794, après deux cent treize jours, il dure encore.

Dernière curée, et la plus ample de toutes. — À travers les prévarications de ses agents, la République, ayant volé immensément, a pu, quoique volée à son tour, garder beaucoup : en premier lieu, les objets mobiliers trop difficiles à détourner, les gros lots de marchandises, les grandes dépouilles des palais, des châteaux, des abbayes et des églises ; en second lieu et surtout, les immeubles, terres et bâtiments. Pour subvenir à ses besoins, elle met tout cela en vente, et qui veut acquérir n’a qu’à se porter acquéreur ; le dernier enchérisseur devient propriétaire légal, et à bon compte : souvent la coupe d’une année solde le prix d’une forêt[1] ; parfois,

  1. Meissner, Voyage en France, 343 : « Il y a tel domaine que les départements révolutionnaires ont fait céder à leurs créatures pour moins que rien, au-dessous du produit de la première coupe de bois. » — Moniteur, XXIII, 397 (Discours de