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LA RÉVOLUTION


entendent le manger seuls, à discrétion, sans contrôle, jusqu’à la dernière miette. Quant à « leur système », il consiste « à vendre la justice, à faire un commerce de dénonciations, à tenir sous le séquestre au moins 4000 ménages », à poser partout les scellés dans les maisons et magasins, à ne point appeler les intéressés qui pourraient surveiller leurs opérations, à expulser les femmes, les enfants, les domestiques qui pourraient témoigner de leurs vols, à ne point dresser d’inventaire, à s’installer comme « gardiateurs à 5 francs par jour », eux et leurs compères, et « à dilapider tout, d’accord avec les administrateurs ». Impossible, même aux représentants, de les réprimer. « Prenez-les sur le fait[1] ; il faut fermer les yeux, ou vous les faites crier tous à l’oppression des patriotes : c’est un système, pour qu’on ne puisse rechercher personne… Nous avons

    aucuns dans les places. » — Les représentants n’ont osé arrêter que deux voleurs et dilapidateurs, qui sont libres maintenant et déclament à Paris contre eux. « Il est une foule de faits graves et même atroces, qui nous sont dénoncés journellement, et sur lesquels nous hésitons à prendre un parti, dans la crainte de frapper des patriotes ou de soi-disant tels… Il s’est commis d’horribles dilapidations. »

  1. Rapport de Courtois sur les papiers de Robespierre. Lettre de Reverchon : « Tous ces énergumènes ne voulaient la République que pour eux… Ils ne se disent patriotes que pour égorger leurs frères et acquérir des richesses. » — Guillon de Montléon, Histoire de la ville de Lyon pendant la Révolution, III, 166 (Rapport de Fouché, avril 1794) : « On a vu des innocents, acquittés par le tribunal terrible de la commission révolutionnaire, replongés par les ordres arbitraires des trente-deux comités dans les cachots du crime, parce qu’ils avaient le malheur de se plaindre de ne plus retrouver dans leurs humbles demeures le strict nécessaire qu’ils y avaient laissé. »