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LES GOUVERNANTS


au soleil, et partant plus alléchante encore. — Une fois le suspect incarcéré, tout ce qu’il apporte en prison avec lui, tout ce qu’il laisse au logis derrière lui, devient une proie ; car, avec l’insuffisance, la précipitation et l’irrégularité des écritures[1], avec le manque de surveillance et les connivences que l’on sait, les vautours grands ou petits peuvent librement jouer du bec et des serres. — À Toulouse, à Paris et ailleurs, des commissaires viennent enlever aux prisonniers tout objet de prix ; par suite, en nombre de cas, l’or, l’argent, les assignats et

  1. Tableau des prisons de Toulouse, par Pescayre, détenu, 324. — L’officier municipal Coudert, cordonnier de son état, chargé d’ôter aux détenus leur argenterie, ne sut ou ne voulut dresser qu’un procès-verbal irrégulier et sans valeur ; sur quoi, un détenu fit des objections et refusa de signer. « Prends garde à toi, lui dit Coudert furieux ; avec ton f… esprit, tu fais le mutin, tu n’est qu’une f… bête ; tu te f… dans un mauvais cas ; je te ferai guillotiner, si tu ne veux pas signer. » — Souvent il n’y avait pas d’écritures du tout (Comte de Martel, Fouché, 236, mémoire adressé par les autorités de l’Allier à la Convention, pièces justificatives, n° 19). Le 30 octobre 1793, arrêté du comité révolutionnaire de Moulins enjoignant des visites nocturnes dans toutes les maisons suspectes de Moulins, pour y enlever l’or, l’argent et le cuivre. — « On se divise en onze bandes, et chaque bande est chargée de visiter huit ou dix maisons. À la tête de chaque bande est un membre du comité avec un officier municipal, accompagnés de serruriers et de la garde révolutionnaire. On va dans les maisons des détenus et d’autres particuliers. On force les secrétaires et les armoires dont on ne trouve pas les clefs ; on pille l’or et l’argent monnayés, on enlève l’argenterie, les bijoux, les ustensiles de cuivre et beaucoup d’autres effets, couvertures, pendules, voitures. On ne donne point de reconnaissances, on ne constate point ce qui est emporté. On se contente, au bout d’un mois, de déclarer, dans une espèce de procès-verbal de séance du comité, que, d’après le rapport des visites, il s’est trouvé peu d’argenterie, peu d’or et d’argent, peu de denrées, le tout sans calcul ni énumération. »