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LA RÉVOLUTION


rieux, s’il y en a, seront dépistés par la confusion des deux chiffres égaux. — M. Davilliers demande à consulter ses associés, et ceux-ci, qui ne sont point en prison, refusent. De son côté, Lemoal veut toucher le montant de sa créance, et le malheureux Davilliers, « frappé de terreur par les arrestations nocturnes », voyant que Lemoal est toujours au pinacle, finit par s’exécuter : il verse d’abord 30 000 livres, puis des acomptes, en tout 41 000 livres ; enfin, à bout de ressources, il prie, supplie pour rentrer en possession de son billet. — Alors Lemoal, jugeant que la poule est tout à fait plumée, s’adoucit, coupe, sous les yeux de son débiteur, « la signature entière du billet », partant ses propres reçus partiels qui sont au-dessous ; mais il garde soigneusement le corps de la pièce, car, ainsi mutilée, elle prouverait au besoin qu’il n’a rien touché, que sans doute, par patriotisme, il a voulu faire contribuer un négociant, mais que, le trouvant insolvable, il a, par humanité, annulé la promesse souscrite. Voilà comme on prend ses précautions, tout en faisant bien ses affaires. — D’autres, moins avisés, volent ouvertement, entre autres le maire, les sept membres de la commission militaire, surnommés « les sept péchés capitaux », et surtout leur président Lacombe, qui, par des promesses d’élargissement, arrache à huit ou neuf accusés 358 000 livres[1]. « Par ces manigances, écrit un Jacobin rigo-

  1. Berryat-Saint-Prix, 313 (Procès de Lacombe et de ses complices, après Thermidor).