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LA RÉVOLUTION


justifient, presque toujours elles ont pour objet « des indemnités aux membres des comités révolutionnaires, des indemnités aux patriotes », des frais de réparation et d’entretien pour les salles de leurs Sociétés populaires, des frais d’expéditions militaires, des secours à leur clientèle d’indigents, en sorte que les trois ou quatre cents millions d’or et d’argent extorqués avant la fin de 1793, les centaines de millions en assignats extorqués en 1793 et en 1794, bref le produit presque entier[1] de toutes les taxes extraordinaires a été mangé sur place par les sans-culottes. Attablés au festin public, ils se sont servis les premiers et se sont copieusement servis.

Seconde aubaine, aussi grasse. Ayant le droit de disposer arbitrairement des fortunes, des libertés et des vies, ils peuvent en trafiquer, et, pour les vendeurs comme pour les acheteurs, rien de plus avantageux

    « Le compte fourni par la cité de Nevers s’élève à 80 000 francs, dont l’emploi n’a jamais été justifié ; cette taxe d’acomptes sur la subvention de la guerre n’était qu’un tour de gibecière de ces histrions politiques, pour mettre les citoyens honnêtes et crédules à contribution. — Ib., 247 (Sur les dons volontaires et les taxes forcées).

  1. Ludovic Sciout, Histoire de la constitution civile du clergé, IV, 49 (Rapport du représentant Becker, Journal des Débats et Décrets, 743, prairial an III). Becker revient d’une mission à Landau et rend compte des exactions commises par les agents jacobins dans les provinces rhénanes : ils levaient des taxes, le sabre à la main, et menaçaient les récalcitrants de les envoyer à Strasbourg, pour y être guillotinés. Les quittances qui ont passé sous les yeux de Becker « offrent une somme de 3 345 785 livres 11 deniers, tandis que notre collègue Cambon n’annonce qu’un versement de 138 000 livres ».