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LES GOUVERNANTS


après, quatre ans après[1], la comptabilité des taxes révolutionnaires, des emprunts forcés et des dons prétendus volontaires est encore un trou sans fond : sur quarante milliards de pièces remises à la Trésorerie nationale, on n’en trouve que vingt milliards d’acquits vérifiés ; le reste est irrégulier, sans valeur. Et, en beaucoup de cas, non seulement l’acquit est sans valeur ou manque, mais encore il est prouvé qu’en totalité ou en partie les sommes touchées ont disparu. À Villefranche, sur 138 000 fr. perçus, le trésorier du district n’en a encaissé que 42 000 ; à Beaugency, sur plus de 500 000, 50 000 ; à la Réole, sur 500 000 au moins, 22 650. « Le reste, écrit le receveur de Villefranche, a été dilapidé par le comité de surveillance. » « Les percepteurs de la taxe, dit l’agent national d’Orléans, après avoir terrifié, se livraient à des orgies scandaleuses, et bâtissent aujourd’hui des palais[2]. » — Quant aux dépenses dont ils

    core parvenu à la Trésorerie ; on veut être au-dessus de la Convention, qui a fait la Révolution. »

  1. Meissner, 348 (Rapport de Parisot aux Cinq-Cents, 22 nivôse an V).
  2. Moniteur, XXII, 711, 720 (Rapport de Cambon, 6 frimaire an III). « Les reliquats constatés, et dont la plus grande partie est déjà rentrée dans les caisses de la Trésorerie, s’élèvent à 20 166 330 livres. » — À Paris, à Marseille, à Bordeaux, dans les grandes villes où l’on a perçu les millions par dizaines, dans les trois quarts des districts, Cambon, trois mois après Thermidor, déclare qu’il ne peut encore obtenir, je ne dis pas le versement, mais le relevé des sommes perçues : les agents nationaux ne lui répondent pas, ou lui répondent vaguement, ou répondent que, dans leur district, il n’y a eu ni dons civiques, ni taxes révolutionnaires ; tel est le cas à Marseille, où l’on a fait un emprunt forcé de 4 millions. — Cf. comte de Martel, Fouché, 245 (Mémoire de l’administration centrale de la Nièvre, 19 prairial an III).