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LES GOUVERNANTS


« faire, et ne sortent pas des cabarets où ils font, jour et nuit, débauche » ; leur chef, ex-procureur fiscal, maintenant « concierge, archiviste, trésorier, secrétaire et président de la Société populaire », tient le conseil municipal au cabaret ; « quand ils en sortent, ils donnent la chasse aux aristocrates femelles, » et l’un d’eux déclare que, « si l’on tuait la moitié d’Aignay, l’autre n’en vaudrait que mieux ». — Rien de tel que l’ivrognerie pour surexciter la férocité. À Strasbourg, les soixante propagandistes à moustaches, logés dans le collège où ils se sont installés à demeure, ont un cuisinier fourni par la ville, et font ripaille, nuit et jour, « avec les comestibles de choix qu’ils mettent en réquisition », « avec les vins fins destinés aux défenseurs de la patrie[1] ». C’est sans doute au sortir d’une de ces orgies qu’ils viennent, sabre en main, à la Société populaire[2], voter et faire voter de force « la mort de tous les détenus enfermés au séminaire, au nombre de plus de sept cents, de tout âge et de tout sexe, sans qu’au préalable ils soient jugés ». Quand un homme veut être bon égorgeur, il doit s’enivrer au préalable[3] ; ainsi faisaient à

  1. Recueil de pièces authentiques, etc., I, 187, et lettre de Burger, 25 thermidor an II.
  2. Archives nationales, D, § I, 6 (liasse 37). — Lettre des membres du comité révolutionnaire de Strasbourg, 13 ventôse an III, signalant au maire et aux officiers municipaux de Châlon-sur-Saône deux Jacobins de cette commune qui ont été membres de la Propagande à Strasbourg.
  3. Recueil de pièces authentiques concernant la Révolution à Strasbourg, I, 71 (Déposition du greffier Weiss sur la tournée du tribunal révolutionnaire, composé de Schneider, Clavel et Taffin). « Les juges ne quittaient jamais la table que enivrés de tout ce