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LA RÉVOLUTION


souvir, ils profitent de leur place. — À Troyes, « toutes les denrées et comestibles sont en réquisition, pour alimenter la table des vingt-quatre » sans-culottes que Bô a chargés d’épurer la Société populaire[1]. Avant la formation de « ce noyau régénérateur », le comité révolutionnaire, présidé par le commissaire civil Rousselin, faisait « ses bombances » à l’auberge du Petit-Louvre, et « passait les nuits à godailler » en dressant ses listes de suspects[2]. — Dans la province voisine, à Dijon, Beaune, Semur, Aignay, c’est encore à l’auberge ou au cabaret que s’assemblent les chefs de la municipalité et du club. On voit à Dijon « les dix ou douze hercules du patriotisme[3] traverser la ville, chacun avec un calice sous le bras » : c’est leur verre à boire ; chacun est tenu d’apporter le sien à l’auberge de la Montagne ; là ils festinent fréquemment, copieusement, et, entre deux vins, « mettent les gens hors la loi ». À Aignay-le-Duc, petite ville où il n’y a qu’une demi-douzaine de patriotes, dont « la majorité sait à peine écrire, la plupart, pauvres, chargés de famille, vivent sans rien

    le citoyen Miédan, membre du comité révolutionnaire, se met à la tête du cortège. Dix hommes pour en conduire un !… Il m’a fallu payer mes bourreaux, 50 francs au commandant de la garde nationale et 60 aux gendarmes. »

  1. Moniteur, XXI, 261 (Discours d’un habitant de Troyes aux Jacobins de Paris, 26 messidor an II).
  2. Albert Babeau, II, 174 (Dépositions de l’aubergiste et de Garnier, commissaire).
  3. Frochot, par Louis Passy, 170, 172 (Lettre de Pajot, et pétition de la municipalité d’Aignay, 10 mars 1795). — Bibliothèque nationale, L. 41, no 1802 (Dénonciation par les six sections de la commune de Dijon à la Convention nationale).