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LES GOUVERNANTS


on trouve bien quelques têtes enfiévrées par l’épidémie régnante, par exemple, à Nogent, l’agent national Delaporte, « qui n’a jamais à la bouche que les mots guillotine et tribunal révolutionnaire, qui déclare que, s’il était du gouvernement, tous les médecins, chirurgiens et hommes de loi seraient incarcérés, qui se réjouit de trouver des coupables, et dit qu’il ne sera pas content tant qu’il ne recevra point par jour trois livres pesant de dénonciations ». Mais, à côté de ces affolés, la plupart des administrateurs et juges ne sont que des gens impropres à leur emploi, parce qu’ils sont « ineptes », trop peu instruits, « sans valeur », « trop peu au fait de la partie judiciaire », « sans connaissances », « trop occupés des affaires de leur état », « ne sachant ni lire ni écrire », ou des gens indignes de leur place, parce qu’ils sont « sans délicatesse », « agitateurs », « violents », « fourbes », « n’ayant pas la confiance publique », plus ou moins improbes et méprisés. — Tel, arrivant de Paris[1], fut d’abord à Troyes garçon boulanger, ensuite maître de danse ; puis il a figuré au club, il s’est poussé, sans doute par sa faconde parisienne, jusqu’aux premiers postes, et il est devenu très vite membre du district. Nommé officier

  1. Archives nationales, D. § I. Pétition de Jean-Nicolas Antoine, ci-devant membre du directoire du district de Troyes pendant 28 mois. Interné à Troyes, il demande (9 ventôse an III) la permission de s’en aller à Paris : « J’ai une petite pacotille de marchandises dont j’ai le plus grand besoin d’aller vendre à Paris ; c’est mon pays natal, et j’y ai plus de connaissances que partout ailleurs. » — Ib., Renseignements sur le susdit Antoine par le conseil général de la commune de Troyes.