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LES GOUVERNANTS


plus peuplés, mais écartés et purement agricoles, surtout dans ceux où l’on ne parle que patois, les sujets manquent pour composer un comité révolutionnaire[1]. On y est trop occupé de ses mains ; les mains calleuses n’écrivent pas couramment ; personne n’a envie de prendre la plume, surtout pour tenir un registre qui restera et qui peut un jour devenir compromettant. Il n’est pas déjà très facile de recruter sur place la municipalité, de trouver le maire, les deux autres officiers municipaux et l’agent national, requis par la loi ; dans les petites communes, ils sont les seuls agents du gouvernement révolutionnaire, et je crois bien que le plus souvent leur ferveur jacobine est médiocre. Conseiller municipal, agent national ou maire, le vrai paysan n’est d’aucun parti, ni royaliste, ni républicain[2] ; ses idées sont trop rares, trop courtes et trop lentes pour lui composer une opinion politique. De la Révolution, il ne comprend que ce qui le touche au vif, ou ce que, tous les jours, il voit autour de lui, de ses propres yeux ; 93 et 94 sont et resteront pour lui « le temps du mauvais pa-

    tition explique pourquoi, au lieu de 45000 comités révolutionnaires, il n’y en avait que 21500.

  1. Souvenirs, par Hua, 179 : « Ce pays (Coucy-le-Château), défendu par ses mauvais chemins et encore mieux par sa nullité, fut du petit nombre de ceux où la tourmente révolutionnaire se fit le moins sentir. »
  2. Entre autres documents, cf. Archives nationales, D, § I, 1 à 5, les cinq cartons comprenant toutes les pièces de la mission du représentant Albert dans l’Aube et la Marne (ventôse et germinal an III). Nulle part on ne voit mieux, avec des détails plus précis, les sentiments du paysan, de l’ouvrier et du petit bourgeois, de 1792 à 1794.