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LES GOUVERNANTS

IV

Si les lois du 21 mars et du 5 septembre 1793 avaient été exactement appliquées, au lieu de 21 500 comités révolutionnaires, il y en aurait eu 45 000, composés de 540 000 membres et coûtant au public 591 millions par an[1]. Cela eût fait, par-dessus l’administration régulière, déjà deux fois plus nombreuse et deux fois plus coûteuse que sous l’ancien régime, une administration de surcroît, dépensant « en simple surveillance » 100 millions de plus que le total des impôts dont l’énormité avait révolté le peuple contre l’ancien régime. — Par bonheur, le monstrueux champignon n’a pu végéter qu’à demi ; ni la semence jacobine, ni le mauvais air dont elle a besoin pour germer, ne se rencontraient partout. « Le peuple des provinces, dit un contemporain[2], n’était

  1. Moniteur, XXII, 742 (Rapport de Cambon, 6 frimaire an III). — Ib., 22 (Rapport de Lindet, 20 septembre 1794) : « Les armées de terre, la marine, les arts de la guerre et tous les services enlèvent à l’agriculture et à toutes les professions plus de 1 500 000 citoyens. L’entretien de 6 millions d’hommes dans toutes les communes coûterait moins à la République. — Le département des affaires étrangères, par Fr. Masson, 382. (D’après Paris à la fin du dix-huitième siècle, par Pujoulx, an IX) : « À Paris seulement, il y a plus de trente mille commis (du gouvernement) ; six mille au plus écrivent les choses nécessaires ; le reste taille des plumes, use de l’encre et noircit du papier. Il y avait autrefois trop de commis dans les bureaux relativement à l’ouvrage ; il y en a aujourd’hui trois fois davantage, et l’on pense qu’il n’y en a pas encore assez. »
  2. Souvenirs, par Hua, 106 (Tableau très précis du bourg de Coucy-le-Château dans l’Aisne, de 1792 à 1794). — Archives des affaires étrangères, tome 334 (Lettre des agents, Thionville,