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LA RÉVOLUTION


France, de la réconcilier avec leurs pratiques ou avec leurs dogmes, et, là-dessus, leurs propres agents ne leur laissent aucune illusion. — « Ici, écrit celui de Troyes[1], l’esprit public n’a pas seulement besoin d’être ravivé ; il aurait besoin d’être recréé. À peine le cinquième des citoyens est-il dans le sens du gouvernement, et ce cinquième… est l’objet de la haine et du mépris du plus grand nombre… Par qui les fêtes nationales sont-elles célébrées et ornées ? Par ceux des fonctionnaires publics que la loi y appelle, et souvent même plusieurs s’en dispensent. C’est le même esprit public qui ne permet pas aux honnêtes gens de prendre part à ces fêtes et aux discours qui s’y prononcent, et qui en écarte les femmes, qui devraient en faire le principal ornement… Le même esprit public ne voit qu’avec indifférence et mépris les actions héroïques républicaines rendues sur la scène, et accueille avec transport tout ce qui peut faire allusion à la royauté et à l’ancien régime. » De parti pris, les boutiquiers étalent le décadi et ferment le dimanche, « non pour vaquer à l’exercice de leur culte, la majeure partie des citoyens n’est pas attaquée de ce préjugé, mais parce qu’il est de bon ton de ne pas paraître républicain. » — Les parvenus de la Révolution eux-mêmes, des généraux, des députés, répugnent aux institutions jacobines[2] ; ils mettent leurs enfants « dans des

  1. Albert Babeau, II, 466 (Lettre de Milony, juillet 1798, et rapport du commissaire de Pont, messidor an VI).
  2. Schmidt, III, 374 (Rapports sur la situation du département de la Seine, ventôse an VII). — Dufort de Cheverny, Mémoires,