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LA FIN DU GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE


encore ne comprend-il que les rapines publiques, exécutées par ordre ; il omet les rapines particulières, exécutées sans ordre par les officiers, les généraux, les soldats, les commissaires ; celles-ci sont énormes, mais échappent au calcul. Le seul total approximatif que l’on puisse produire est le relevé authentique des prises que le corsaire jacobin, autorisé par lettres de marque, a déjà faites en décembre 1798, hors de France, sur les personnes publiques ou privées : contributions en numéraire, imposées par arrêtés, en Belgique, en Hollande, en Allemagne, en Italie, 655 millions ; capture et enlèvement de matières d’or ou d’argent, d’argenterie, bijoux, objets d’art et autres effets précieux, 305 millions ; réquisitions en nature, 361 millions ; confiscation des biens, meubles et immeubles, des souverains dépos-

    de médailles d’or volées à l’hôtel de ville de Berne ; ses deux généraux de brigade, Rampon et Pijon, se sont approprié chacun 216 000 livres, « Le général Duhesme, cantonné dans le Brisgau, envoyait chaque jour à deux ou trois villages en même temps le menu de ses repas, et ordonnait de le servir par réquisition ; à l’un il demandait les objets en nature, et à l’autre, simultanément, en argent. Sa modération allait jusqu’à 100 florins par jour, qu’il prenait en denrées, puis en argent. » — « À son entrée dans Milan, Masséna, vers onze heures du soir, fit enlever, en quatre heures, sans inventaire ni reçus, toutes les caisses particulières de couvents, de confréries, d’hôpitaux, du mont-de-piété immensément riche et où l’on prit, entre autres, la cassette de diamants du prince Belgiojoso. Cette nuit valut 1 200 000 livres à Masséna. » (Mallet du Pan, Mercure britannique, 10 février 1799, et Journal manuscrit, mars 1797.) — Sur les sentiments des Italiens, voir la lettre du lieutenant Dupin, 27 prairial an VIII (G. Sand, Histoire de ma vie, II, 251), récit de la bataille de Marengo, perdue jusqu’à deux heures de l’après-midi : « Je voyais déjà le Pô, le Tessin à repasser, un pays à traverser, dont chaque habitant est notre ennemi. »