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LA FIN DU GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE


mencée à dessein, la guerre étendue indéfiniment par système, la guerre défrayée par la conquête et par le pillage peut alimenter les années, occuper les généraux, résigner la nation, soutenir au pouvoir la faction régnante, conserver aux directeurs leurs places, leurs profits, leurs dîners, leurs maîtresses. Et voilà pourquoi ils rompent, d’abord, par un ultimatum brusque, avec l’Angleterre, puis, par des exigences redoublées, avec l’Autriche et l’Empire, ensuite, par des attentats prémédités, avec la Suisse, le Piémont, la Toscane, Naples, Malte, la Russie, la Porte elle-même[1]. — Enfin les derniers voiles tombent et le vrai caractère de la secte se montre à nu. Défense de la patrie, délivrance des peuples, tous ses grands mots rentrent dans la région des mots. Elle se dénonce pour ce qu’elle est, pour une société de pirates en course qui, après avoir opéré sur leur côte, vont opérer plus loin, et capturent tout, corps et biens, hommes et choses. Ayant mangé la France, la bande entreprend de manger l’Europe[2], « feuille à feuille, comme une pomme d’artichaut ».

    1798. — « Comment soutenir sur son propre sol des armées gigantesques et exigeantes ? Comment se flatter d’arracher à un peuple appauvri, sans industrie, sans navigation, sans confiance, près d’un milliard de subsides, directs et indirects ? Comment renouveler ce fonds immense de confiscations qui fait vivre la République française depuis huit ans ? En subjuguant chaque année une nation nouvelle, et en dévalisant ses trésors, ses églises, ses monts-de-piété, ses propriétaires. Depuis deux ans, la République eût posé les armes, si elle avait été réduite à son propre capital. »

  1. Mallet du Pan, Mercure britannique, nos du 25 novembre, du 25 décembre 1798, et passim.
  2. Ib., n° du 25 janvier 1799 : « La République française mange