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LA RÉVOLUTION


— À présent que le 18 Fructidor est fait, Barthélemy déporté et Carnot en fuite, cette politique va s’étaler.

Jamais la paix n’avait été si proche[1] ; on l’avait dans les mains ; aux conférences de Lille, il n’y avait plus qu’à les retirer pleines. Le dernier ennemi et le plus tenace, l’Angleterre, désarmait ; non seulement elle acceptait les agrandissements de la France, l’acquisition de la Belgique et de la rive gauche du Rhin, les annexions déguisées aussi bien que les annexions déclarées, l’autorité de la République patronne sur les Républiques clientes, sur la Hollande, Gênes et la Cisalpine ; mais encore elle restituait ses propres conquêtes, toutes les colonies françaises, toutes les colonies hollandaises, sauf Trinquemale[2], toutes les colonies espagnoles, sauf la Trinité. Ce que pouvait réclamer l’amour-propre, on l’obtenait, et l’on obtenait plus que ne pouvait souhaiter la prudence ; il n’y avait pas en France un homme d’État com-

  1. Lord Malmesbury’s Diaries, III, 541 (9 septembre 1797) : « La révolution violente qui s’est opérée à Paris a renversé toutes nos espérances, et mis à néant tous nos raisonnements ; je la considère comme le plus malheureux événement qui ait pu arriver. » — Ib., 593 (Lettre de Canning, 29 septembre 1797) : — « Nous étions à un cheveu de distance de la paix. Il a fallu cette maudite révolution à Paris, et l’arrogance sanguinaire, insolente, implacable et ignorante du Triumvirat, pour nous empêcher de la conclure ; si le parti modéré eût triomphé, tout eût été bien, non seulement pour nous, mais aussi pour la France, pour l’Europe et pour le monde. »
  2. Carnot, II, 152 : « Croyez-vous, répliqua Reubell, que c’est pour la Hollande que je veux faire restituer le Cap et Trinquemale ? Il est question d’abord de les reprendre ; il faut pour cela que les Hollandais fournissent l’argent et les vaisseaux. Ensuite, je leur ferai voir que ces colonies nous appartiennent. »