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LA RÉVOLUTION


« revenu… L’intérêt de l’argent monte au taux de 4 pour 100 par mois… Tours, en proie aux Terroristes qui dévorent le département et occupent toutes les places, est dans l’état le plus déplorable ; toute famille un peu aisée, tout négociant, tout marchand, l’abandonne. » — Voici revenir et rentrer dans leurs fiefs les hobereaux de la Terreur, les meurtriers et pillards émérites. À Toulouse[1], c’est Barrau, cordonnier jusqu’en 1792, célèbre par ses fureurs sous Robespierre, et Desbarreaux, autre forcené de 1793, jadis comédien, ayant tenu sur la scène les rôles de valet, contraint en 1795 de demander pardon à genoux sur le théâtre, n’ayant pas obtenu ce pardon, chassé de la scène par l’horreur publique, aujourd’hui cumulant l’emploi de caissier au théâtre et le poste d’administrateur du département. À Blois, ce sont toutes les figures ignobles ou atroces que l’on a vues, assassins et voleurs, Hézine, Giot, Venaille, Besard, Berger, Gidouin : aussitôt après Fructidor, ils ont ameuté, autour du premier convoi des déportés, leur clientèle ordinaire, « les fainéants, la populace du port, la lie du peuple », et vociféré des insultes contre les proscrits : sur cette nouvelle preuve de patriotisme, le gouvernement leur restitue leurs satrapies administratives ou judiciaires, et, tout odieux qu’ils sont, on les subit, on leur obéit d’une obéissance muette et morne. « L’âme est froissée[2] en lisant jour-

  1. Archives nationales, F7, 3219 (Lettre de M. Alquier au Premier Consul, 18 pluviôse an VIII) : « J’ai voulu voir l’administration centrale ; j’y ai trouvé les idées et le langage de 1793. »
  2. Dufort de Cheverny, Mémoires (26 février, 31 mars, 6 sep-