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LA FIN DU GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE


ordre du Directoire y substitue le fourgon des galériens, une cage de fer, n’ayant qu’une seule porte verrouillée et cadenassée, en haut des claires-voies par lesquelles la pluie tombe à verse, et des planches nues pour sièges : la lourde machine, non suspendue, roule au grand trot sur les routes défoncées, et chaque cahot lance les condamnés contre le toit ou les parois de chêne ; l’un d’eux, arrivant à Blois, « montre ses coudes bleus et tout meurtris ». Le chef d’escorte qu’on leur a choisi est le plus vil et le plus brutal sacripant de l’armée, Dutertre, maître chaudronnier avant la Révolution, puis officier et condamné aux fers pour vol pendant la guerre de Vendée, si naturellement voleur que, cette fois encore, il vole en chemin la solde de sa troupe ; visiblement l’homme est qualifié pour sa besogne. Descendu à Blois, « il passe la nuit en orgie avec les frères et amis », concussionnaires et massacreurs que l’on a décrits, jure contre Mme Barbé-Marbois qui est accourue pour dire adieu à son mari, destitue sur place le commandant de gendarmerie qui la soutient demi-pâmée, et, voyant les attentions, le respect que tous les habitants, même les fonctionnaires, témoignent aux prisonniers, il s’écrie : « Voilà bien des singeries pour des gens qui peut-être dans quatre jours ne seront pas en vie. » — Sur le navire qui les transporte, et encore en vue de la Rochelle, ils aperçoivent une chaloupe qui, pour les rejoindre, fait force de rames ;

    de Cheverny, Mémoires (14 septembre 1797). — Sauzay, IX, ch. LXXXI et LXXXIV.