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LA RÉVOLUTION


filet, on les confond exprès sous le même nom, on les condamne en masse, sans preuves ni formes. « Des preuves ! dit un orateur[1] ; il n’en faut point contre la faction des royalistes. J’ai ma conviction. » — « Des formes ! s’écrie un autre ; les ennemis de la patrie ne peuvent invoquer ces formes qu’ils auraient méprisées, s’ils eussent triomphé. » — « Le peuple est là, dit un troisième, en montrant une douzaine d’hommes de mauvaise mine qui sont présents ; le peuple entier doit l’emporter sur quelques individus. » — « Allez donc, crie un soldat qui veut accélérer la délibération : patriotes, avancez au pas de charge ! » — Pourtant la délibération traîne, et le gouvernement, qui s’impatiente, est obligé d’intervenir par un message. « Le peuple, dit ce message, le peuple demande où en est la République et ce que vous en avez fait… Les conjurés ont des intelligences jusque parmi vous. » Cela s’entend, et tout de suite, les représentants comprennent que, s’ils ne déportent pas, ils seront déportés. Là-dessus, « quatorze ou quinze se lèvent pour le décret, sept contre ; le reste demeure immobile » : c’est ainsi que, librement, légalement, pour sauver la Constitution, le décret est rendu. — Quatre ans auparavant, pour expulser les Girondins, un décret pareil avait passé d’une façon pareille, sauf ce détail, que la Montagne alors employait la plèbe

    de d’Antraigues. » — Cf. Thibaudeau, II, 279, sur le vague, le manque de preuves et la fausseté grossière des allégations du Directoire.

  1. Barbé-Marbois, Journal d’un déporté, 46.