Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/364

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
360
LA RÉVOLUTION


le gouvernement, qui les considère comme ses enfants perdus et peut avoir besoin d’eux aux moments critiques, les épargne de son mieux[1], laisse Drouet s’échapper et traîne en longueur le procès des Babouvistes ; deux de ceux-ci seulement sont guillotinés, Babeuf et Darthé ; la plupart des autres sont absous ou s’évadent. Néanmoins, pour son propre salut, il est conduit à se séparer des Jacobins enragés, partant à se rapprocher des citoyens paisibles. — Par cette discorde interne de la faction régnante, les honnêtes gens se maintiennent dans les places qu’ils ont occupées aux élections de l’an IV ; aucun décret ne vient leur enlever leurs armes légales, et dans le Corps législatif, comme dans les administrations et les tribunaux, ils comptent bien emporter de nouveaux postes aux élections de l’an V.

V

« Il y avait longtemps » écrit un petit marchand d’Évreux[2], que l’on n’avait vu tant de monde aux élections… On nomma huit électeurs pour la ville, qui tous réunirent, dès le premier tour de scrutin, la ma-

  1. Thibaudeau, Mémoires sur la Convention et le Directoire, II, 58. — Mallet du Pan, Correspondance avec la cour de Vienne, II, 281. — Dufort de Cheverny, Mémoires (manuscrits). (Il est à Vendôme, par curiosité, et assiste au procès) : « Germain, gai et plein d’esprit, se moquait des jurés : Ils sont bien bêtes, disait-il, de ne pas voir de conspiration, lorsqu’il y en a une des mieux faites qui aient jamais existé… Au surplus j’ai conspiré, je conspirerai toujours. »
  2. Souvenirs et journal d’un bourgeois d’Évreux, 118 (24 mars 1797).