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LA RÉVOLUTION


« ciaire », même de celle de juré, non seulement les individus qui, à tort ou à raison, ont été portés sur une liste d’émigrés et n’ont pas encore obtenu leur radiation définitive, mais aussi leurs pères, fils et petits-fils, frères et beaux-frères, leurs alliés au même degré, leurs oncles et neveux, probablement deux ou trois cent mille Français résidents, presque toute l’élite de la nation, et elle y adjoint le reste de cette élite, tous les honnêtes gens énergiques qui, dans les dernières assemblées primaires ou électorales, ont « provoqué ou signé » quelque manifestation contre son despotisme ; s’ils sont encore en fonctions, qu’ils se démettent dans les vingt-quatre heures : sinon, bannis à perpétuité. — Par cette incapacité légale des antijacobins, le champ est libre pour les Jacobins ; en plusieurs endroits, faute de candidats à son gré, le plus grand nombre des électeurs s’abstient ; ailleurs les Terroristes recourent à leur ancien procédé, c’est-à-dire à la violence brutale[1]. — Dès

  1. Archives nationales, AF, II, 65 (Lettre du général Kermorvan au Comité de Salut public, Valenciennes, 22 fructidor an III). À Valenciennes, pendant les élections, « les meneurs des sections se sont permis de faire chasser à coups de poing des assemblées primaires les hommes probes qui avaient toutes les qualités requises pour obtenir les suffrages… J’ai su que ces factions étaient montées par les brise-scellés, les patriotes au vol, ces hommes qui ont dilapidé la fortune publique et particulière, membres de la Commune, qui jouissent ici des maisons et biens d’émigrés qu’ils se sont fait adjuger cent fois au-dessous de leur valeur… Ils sont tous nommés électeurs… Ils ont payé… et payent encore pour agiter, pour intimider les hommes probes par la terreur, afin de conserver leurs dilapidations et attendre l’occasion de les continuer… Au sortir des élections, ils ont envoyé des audacieux, payés sans doute, pour insulter les passants sur la place, en les nommant chouans, royalistes. » (Il