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LA RÉVOLUTION


« qu’il ne veut pas de tels bandits dans son armée et sous ses ordres » : « Je ne marcherai point, dit-il, avec un tas de scélérats et d’assassins organisés en bataillon », sous le nom de « patriotes de 89 ». — En effet, c’est de l’autre côté que sont les vrais patriotes de 89, les constitutionnels de 1791, les libéraux sincères, « 40 000 propriétaires et marchands[1] », l’élite et la masse du peuple parisien, « la majorité des hommes véritablement intéressés à la chose publique ». Et, en ce moment, leur seul objet est le salut commun. République ou royauté, ce n’est là, pour eux, qu’une pensée d’arrière-plan, secondaire ; restauration de l’ancien régime, aucun n’y songe ; établissement d’une monarchie limitée, très peu s’en préoccupent[2]. Quand on demande « aux plus échauffés » quel gouvernement ils veulent mettre à la place de la Convention, ils répondent[3] : « Nous ne voulons plus d’elle, nous ne voulons rien d’elle, nous voulons la république et d’honnêtes gens pour nous gouverner. » Rien au delà : leur soulèvement n’est pas une insurrection politique contre la forme du gouvernement établi, mais une insurrection morale contre les criminels en place. — C’est pourquoi, lorsqu’ils

  1. Barbé-Marbois, Mémoires, 9. — Meissner, 246.
  2. Mallet du Pan, ib., I, 282 (Lettre du 16 août 1795) : « À Paris, les patriotes de 1789, soit les anciens constitutionnels, ont repris le dessus. Les régicides ont la plus grande horreur pour cette classe, parce qu’ils la regardent comme cent fois plus dangereuse que les aristocrates prononcés. » — Ib., 316. — Meissner, 229 : « Les sectionnaires ne voulaient fortement ni la république, ni la monarchie, mais seulement des hommes éclairés et probes pour les places de la Convention nouvelle. »
  3. Lavalette, Mémoires, I, 162, 170.