Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/336

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
332
LA RÉVOLUTION


chers subalternes qui, par un coup de main, sont devenus pontifes, bref des valets d’église qui ont pris la crosse et la mitre de leurs maîtres, après les avoir assassinés.

De mois en mois, sous la pression de l’opinion publique, ils se détachent du culte qu’ils ont desservi ; en effet, si faussée et si paralysée que soit leur conscience, ils ne peuvent pas ne pas s’avouer que le jacobinisme, tel qu’ils l’ont pratiqué, était la religion du vol et du meurtre. Avant Thermidor, une phraséologie officielle couvrait de son ronflement doctrinal[1] le cri de la vérité vivante, et chaque sacristain ou bedeau conventionnel, enfermé dans sa chapelle, ne se représentait nettement que les sacrifices humains auxquels, de ses propres mains, il avait pris part. Après Thermidor, les proches et les amis des morts, les innombrables opprimés, parlent, et il est forcé de voir l’ensemble et le détail de tous les crimes auxquels, de près ou de loin, il a collaboré par son assentiment et par ses votes : tel, à Mexico, un desservant de Huichilobos promené parmi les six cent mille crânes entassés dans les caves de son temple. — Coup sur coup, pendant toute la durée de l’an III, par la liberté de la presse et par les grands débats publics, la vérité éclate. C’est d’abord l’histoire lamentable des cent trente-deux Nantais traînés à pied de Nantes à

  1. Maréchal Marmont, Mémoires, I, 120 (Rapport du général Dugommier sur la prise de Toulon) : « Ce jour mémorable a vengé la volonté générale d’une volonté partielle et gangrenée, dont le délire a causé les plus grands maux. »