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LA RÉVOLUTION


heures du soir, le Comité de Salut public s’assemble de nouveau, non pour délibérer sur les grandes affaires ; La Révellière et Daunou prêchent en vain : chacun est trop égoïste et trop excédé ; on laisse à Cambacérès la bride sur le cou. Pour lui, il aimerait mieux rester coi, ne plus tirer la charrette ; mais il y a deux nécessités auxquelles il est tenu de pourvoir, sous peine de mort. — « On ne suffira pas, dit-il d’un ton plaintif, à imprimer pendant la nuit les assignats qui sont indispensables pour le service de demain. Si cela continue, nous courons risque, ma foi, d’être accrochés à la lanterne… Va donc au cabinet d’Hourier-Éloy ; dis-lui que, puisqu’il est chargé des finances, nous le supplions de nous faire subsister encore quinze ou dix-huit jours ; alors viendra le Directoire exécutif, qui fera comme il pourra. — Mais les subsistances ? En aurons-nous pour demain ? — Hé ! hé ! je n’en sais rien ; mais je vais envoyer chercher notre collègue Roux, qui nous mettra au fait. » — Entre Roux, le beau parleur officiel, le dompteur goguenard et gras du maigre chien populaire. — « Eh bien, Roux, où en sommes-nous quant aux subsistances de Paris ? — Toujours même abondance, citoyen président ; toujours deux onces de pain par tête, du moins pour la plus grande partie des sections. — Que le diable t’emporte ! Tu nous feras couper le cou avec ton abondance. » — Silence ; probablement les assistants réfléchissent à ce dénouement possible. Puis l’un d’eux : « Président, nous as-tu fait préparer quel-