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LA RÉVOLUTION


brasser d’un coup d’œil le spectacle extraordinaire qui s’étale sur les vingt-six mille lieues carrées du terri-

    il y a eu 2094 décès, et, en l’an III, 2032, en grande partie dans les hôpitaux ; ainsi, même comparées à la moyenne de la mortalité pendant les dix années de la Révolution, la mortalité de l’an II et celle de l’an III sont presque triples. Même remarque pour Loudun, où, la moyenne des décès étant de 151, le chiffre des décès de l’an II s’élève à 425. Au lieu du triple, c’est le double pour Châtellerault. (Statistique de la Vienne, par Cochon, préfet, an IX.) — À Niort, qui comptait 11 000 âmes, la mortalité annuelle, pendant les dix années qui ont précédé 1793, était de 423 décès, ou 38 décès par 1000 habitants. En l’an II, il y a 1872 décès, ou 170 décès par 1000 habitants : le nombre des décès est plus que quadruplé ; en l’an III, il y a 1122 décès, ou 102 par 1000 habitants : le nombre des décès est presque triplé. (Statistique des Deux-Sèvres, par Dupin, préfet, 2e Mémoire, an IX.) — À Strasbourg (Recueil des pièces authentiques, etc., tome I, 32, déclaration de la municipalité), « il est mort pendant l’année dernière (an II) deux fois autant d’individus que dans toutes celles qui l’ont précédée ». — D’après ces chiffres et les détails qu’on a lus, on peut estimer que, pendant les années II, III, et pendant le premier semestre de l’an IV, la mortalité annuelle s’est accrue de moitié en sus. Or, avant 1789, selon Moheau et Necker (Peuchet, Statistique élémentaire de la France, 1805, 239), la mortalité annuelle en France était de 1 individu sur 30, ce qui donne, pour 26 millions d’habitants, 866 666 décès. Un accroissement de moitié en sus, pendant deux ans et demi, donne par conséquent 1 080 000 décès supplémentaires.

    2° Pendant toute la période du Directoire, la misère a continué, et le chiffre de la mortalité est resté très haut, notamment pour les enfants, infirmes, malades, vieillards, parce que la Convention avait confisqué les biens des hôpitaux et que l’assistance publique était presque nulle. Par exemple, à Lyon, « l’hospice, ayant été privé de secours pendant les années II, III, IV, et pendant une partie de l’an V, ne put nourrir, ni faire allaiter les enfants qu’il recueillit à cette époque, et dont il périt un nombre effrayant ». (Statistique du Rhône par Verninac, préfet, an X.) — Au temps de Necker, on comptait en France environ huit cents hospices, hôpitaux, établissements de bienfaisance, avec 100 000 ou 110 000 occupants. (Peuchet, ib., 256.) Faute de soins et d’aliments, ces occupants meurent par myriades, surtout les enfants