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LA RÉVOLUTION


fin deux onces, avec un peu de riz ou quelques légumes secs ; « et cette faible ressource va manquer[1] ». Une demi-livre, en pluviôse, aux 20 000 nécessiteux d’Amiens ; et cette ration n’est que nominale, car « il arrive souvent qu’on ne délivre à chaque individu que quatre onces ; à plusieurs reprises, la distribution a manqué trois jours de suite », et cela continue : six mois après, le 7 fructidor, Amiens[2] n’a dans sa halle que 69 quintaux de farine, « quantité insuffisante pour la distribution à faire ce même jour ; demain, il sera impossible de faire la moindre distribution ; après-demain, les habitants nécessiteux de cette commune seront réduits à une entière disette ». — « Le désespoir » est profond ; il y a déjà « plusieurs suicides ». — D’autres fois, la fureur domine et l’émeute éclate. Émeute à Évreux[3], le 21 germinal, parce qu’on n’y délivre que deux livres de farine par tête pour une semaine, et parce que, trois jours auparavant, on n’en a délivré qu’une livre et demie. Émeute à Dieppe[4], le 14 et le 15 prairial, « parce que

  1. Archives nationales, D, § 1, carton 2. Lettres de la municipalité de Troyes, 15 ventôse an III, et 6 germinal ; lettre des trois députés envoyés par la municipalité à Paris, pluviôse an III. (La date du jour est omise.)
  2. Un séjour en France (Amiens, 30 janvier 1795). — Archives nationales, AF, II, 74 (Délibération de la commune d’Amiens, 8 thermidor et 7 fructidor an III).
  3. Souvenirs et journal d’un bourgeois d’Évreux, 97. (Les femmes arrêtent les charrettes de blé, les gardent pendant une nuit, blessent le représentant Bernier à coups de pierres, et obtiennent chacune 8 livres de blé.)
  4. Archives nationales, AF, II, 73 (Lettre de la municipalité de Dieppe, 23 prairial). — AF, II, 74 (Lettre de la municipalité de