Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/292

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
288
LA RÉVOLUTION


viennent plus chères, surtout dans l’été de 1795, aux approches de la moisson, quand les greniers remplis par la récolte de 1794 achèvent de se vider. Et les affamés qui crient sont des millions : car, en France, plusieurs départements ne produisent pas assez de grains pour leur consommation ; dans les départements fertiles en blé, c’est aussi le cas pour plusieurs districts ; c’est le cas pour toutes les villes, grandes et petites, et dans chaque village quantité de paysans jeûnent, parce qu’ils n’ont point de terre pour en tirer des aliments, ou parce que la force et la santé, le travail et le salaire leur manquent. — « Depuis plus de quinze jours, écrit une municipalité de Seine-et-Marne[1], au moins 200 citoyens de notre commune sont sans pain, sans blé et sans farine ; leur nourriture n’a été que de son et de légumes. Nous avons la douleur de voir des enfants rester sans aliments, les nourrices, desséchées, ne pouvant plus les allaiter, des vieillards tomber d’inanition, des jeunes gens rester dans les champs, de faiblesse, ne pouvant plus travailler… » Et les autres communes

  1. Archives nationales, AF, II, 71 (Délibération de la commune de Champs, canton de Lagny, 22 prairial an III. Lettre du procureur syndic du district de Meaux, 3 messidor. Lettre de la municipalité de Rozoy, Seine-et-Marne, 4 messidor). — Ib., AF, II, 74 (Lettre de la municipalité d’Émerainville, certifiée par le directoire de Meaux, 14 messidor) : « La commune n’a que du pain d’avoine à procurer à ses habitants ; encore faut-il aller l’acheter bien loin. Cette nourriture, d’une si mauvaise qualité, loin de donner des forces aux citoyens habitués aux travaux de la culture, leur ôte le courage et les rend malades, et fait que les foins ne peuvent se faire avec activité, les bras étant déjà très rares. » — À Champs, « les travaux de la moisson des foins vont s’ouvrir ; les ouvriers, faute de subsistance, ne peuvent la faire ».