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LA RÉVOLUTION


78 ; en janvier 1794, 81 pour 100 ; et, à partir de cette date, les émissions incessantes, monstrueuses, 500 millions, puis un milliard, puis un milliard et demi, enfin deux milliards, par mois[1], précipitent la baisse. Plus les assignats sont dépréciés, plus le gouvernement est obligé d’en émettre pour subvenir à sa dépense, et, plus il en émet, plus il les déprécie, de sorte que la baisse accroît l’émission qui accroît la baisse, et ainsi de suite, tant qu’enfin l’assignat se réduit à rien. Le 11 mars 1795, le louis d’or se vend, en assignats, 205 francs ; le 11 mai, 400 ; le 12 juin, 1000 ; au mois d’octobre, 1700 ; le 15 novembre, 2850 ; le 21 novembre, 3000, et, six mois après, 19 000. Partant l’assignat de 100 francs vaut, en juin 1795, 4 francs ; en août, 3 francs ; en novembre, 15 sous, puis 5 sous. — Naturellement, toutes les denrées ont haussé à proportion : le 2 janvier 1796, à Paris, en assignats, la livre de pain coûte 50 francs ; la livre de viande, 60 francs ; la livre de chandelles, 180 francs ; un boisseau de pommes de terre, 200 francs ; une bouteille de vin, 100 francs. Là-dessus, figurez-vous, si vous pouvez, la détresse des malheureux rentiers, pensionnaires, employés, ouvriers des villes, artisans

  1. Schmidt, Pariser Zustände, I, 145 à 220. — (Réouverture de la Bourse, 25 avril 1795.) — Ib., I, 322, II, 82, 105. — Memoirs of Theobald Wolfe-Tone, 200 (3 février 1796). Au Havre, le louis d’or vaut alors 5000 fr., et l’écu de 6 francs à proportion. — À Paris (12 février), le louis d’or vaut 6500, et un dîner pour deux personnes au Palais-Royal coûte 1500 francs. — Mayer (Frankreich im Jahr 1796) dépense, pour un dîner qu’il donne à dix personnes, 300 000 francs en assignats. À cette date, une course en fiacre coûte 1000 francs ; un fiacre demande 6000 francs pour une heure.