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LA RÉVOLUTION


chand ne sont pas contenus par la peur ; c’est que les délinquants échappent trop souvent à la peine légale. Appliquons cette peine en toute rigueur ; aggravons-la contre eux et contre leurs suppôts ; serrons l’écrou de la machine à contrainte. Recensement nouveau et vérifié des subsistances, perquisitions à domicile, saisies des provisions particulières que l’on estime trop amples[1], rationnement étroit de chaque consommateur, gamelle uniforme obligatoire pour tous les détenus, pain d’égalité, gris et à base de son, pour toutes les bouches mangeantes, défense d’en fabriquer d’autre, confiscation des bluteaux ou tamis[2], responsabilité « individuelle » et personnelle de tout administrateur dont les administrés résistent ou se dérobent aux fournitures exigées,

  1. Souvenirs et journal d’un bourgeois d’Évreux, 83 : « Le vendredi 15 juin 1791, on proclama que tous ceux qui avaient chez eux quelques provisions en blé, orge, seigle, farine et même de pain, eussent à les déclarer sous vingt-quatre heures, sous peine d’être regardés comme ennemis de la patrie, et déclarés suspects, mis en arrestation, traduits devant les tribunaux. » — Schmidt, Tableaux de la Révolution française, II, 214. Saisie à Passy de deux cochons, de 40 livres de beurre, de six boisseaux de haricots, etc., chez la citoyenne Lucet, qui s’était approvisionnée pour nourrir les seize personnes de sa maison.
  2. Archives nationales, AF, II, 68. Arrêté du Comité de Salut public, 23 pluviôse, pour rappeler la loi du 25 brumaire, qui défend d’extraire du quintal de farine plus de quinze livres de son. Ordre d’enlever chez les boulangers et les meuniers les bluteaux ; celui qui les aura conservés ou cachés hors de son domicile « sera traité comme suspect et mis en état d’arrestation jusqu’à la paix ». — Berryat-Saint-Prix, 357, 362. À Toulouse, trois personnes sont condamnées à mort pour accaparement ; à Montpellier, un boulanger, deux marchandes et un négociant sont guillotinés, pour « avoir fait facturer, facturé, caché, conservé » une certaine quantité de galettes, espèce de pain destiné « à l’aliment exclusif des contre-révolutionnaires ».