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LES GOUVERNÉS


l’ordre du jour, c’est à peine si, bien doucement, on les gronde un peu.

Tel est le double effet du système : non seulement l’approvisionnement de Paris est court ou mauvais, mais les consommateurs ordinaires, les gens de la queue, n’en obtiennent qu’une portion, et la pire[1]. Tel surveillant, qui est venu chercher à la Halle au Blé un échantillon de farine, « écrit qu’on ne peut l’appeler farine[2]… C’est du son moulu », et non une substance nutritive ; « on force les boulangers à la prendre ; la Halle n’est, en très grande partie, approvisionnée que de cette farine ». — Et, vingt jours plus tard : « Les subsistances sont toujours très rares et de mauvaise qualité ; le pain est détestable au goût, il donne des maladies dont bien des citoyens sont affectés, telles qu’une espèce de dyssenterie, des maladies inflammatoires. » — De même, trois mois après, en nivôse : On se plaint toujours de la mauvaise qualité du pain, qui rend, dit-on, beaucoup de personnes malades ; il occasionne des douleurs inouies d’entrailles, accompagnées d’une fièvre qui mine. » — En ventôse, « disette extrême en tout genre[3] », surtout en fait de viande.

  1. Dauban, 341 (Lettre de la Commission des subsistances, 23 germinal) : « Les denrées sont soustraites aux yeux du peuple, ou lui sont offertes d’une qualité très altérée. » — La Commission s’étonne qu’ayant fourni tant de denrées aux détaillants, il en arrive si peu aux consommateurs.
  2. Archives des affaires étrangères, tome 1411 (Rapports du 11-12 août, du 31 août-1er  septembre 1793). — Archives nationales, F7, 31167 (Rapports des 7 et 12 nivôse an II).
  3. Dauban, Paris en 1794, 60, 68, 69, 71, 82, 93, 216, 231. —