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LA RÉVOLUTION


« va de mal en pis, écrivent les agents d’Huningue[1] ; on se hasarde même à dire qu’on donnerait telle ou telle chose aux bestiaux, plutôt que de la vendre en conformité de la taxe. » — Partout les habitants des villes sont mis à la ration, à une ration si mince qu’elle suffit juste pour les empêcher de mourir de faim. « Depuis que je suis à Tarbes, écrit un autre agent[2], les individus y sont taxés à demi-livre de pain par jour, composé un tiers de froment, deux tiers de farine de maïs ; et, le lendemain de la fête pour la mort du tyran, il n’y avait pas de pain, absolument pas. » — « Demi-livre de pain aussi à Évreux[3], et encore ne l’a-t-on qu’avec beaucoup de peine, ce qui oblige beaucoup de gens à aller dans les campagnes en demander pour de l’argent aux laboureurs » ; et, pain, farine ou blé, « ceux-ci n’en ont guère, puisqu’ils ont été obligés d’apporter ce qu’ils en ont à Évreux pour les armées ou pour Paris ».

C’est pis à Rouen et à Bordeaux : à Rouen, en brumaire, les habitants n’ont par tête et par jour qu’un quarteron de pain ; à Bordeaux, « depuis trois mois, dit

  1. Archives des affaires étrangères, tome 1411 (Lettre de Blessmann et Hauser, 30 brumaire). — Ib. (Lettre de Haupt, Belfort, 29 brumaire) : « Je crois qu’il faut suivre ici l’avis de Marat, et qu’il faut ériger une centaine de potences, s’il n’y a pas assez de guillotines pour couper la tête aux accapareurs. Je contribuerai au moins tout le possible pour avoir le plaisir de voir jouer à la main chaude un de ces j…f… »
  2. Ib., tome 333 (Lettre de Garrigues, 16 pluviôse).
  3. Souvenirs et journal d’un bourgeois d’Évreux, 83-85 (juin juillet 1794). — De même à Mantes (Dauban, Paris en 1794, 149, 4 mars).