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LES GOUVERNÉS


accroît encore la pénurie : les villes ont beau faire des collectes, taxer leurs riches, emprunter, s’obérer au delà de toutes leurs ressources[1], elles ne font qu’empirer le mal. Quand la municipalité de Paris dépense 12 000 francs par jour pour vendre à bas prix la farine dans ses Halles, elle en écarte les fariniers qui ne peuvent livrer leur farine à si bas prix ; pour les 600 000 bouches de Paris, il n’y a plus assez de farine aux Halles. Quand elle dépense 75 000 francs par jour pour indemniser les boulangers, elle attire chez eux toute la population de la banlieue, qui vient à Paris chercher le pain à plus bas prix ; pour les 700 000 bouches de Paris et de la banlieue, il n’y a plus assez de pain chez les boulangers. Qui arrive tard trouve la boutique vide ; en conséquence, chacun arrive tôt, puis plus tôt, dès l’aube, avant le jour, cinq ou six heures avant le jour. En février 1793, il y a déjà des queues matinales à la porte des boulangers ;

    de Lequinio) : « L’accaparement du blé par les propriétaires et les fermiers est presque universel. La cause en est la frayeur, et d’où vient cette frayeur ? De l’agitation générale, des menaces et des mauvais traitements exercés en plusieurs endroits contre des fermiers, des propriétaires ou des trafiqueurs de blé connus sous le nom de bladiers. » — Décrets du 16 septembre 1792 et du 4 mai 1793.

  1. Buchez et Roux, XIX, 51 (Rapport de Cambon, 22 septembre) : Les impôts n’arrivent plus au Trésor public, parce qu’ils sont employés dans les départements en achats de grains. » — Ib., XIX, 291 (Discours de Cambon, 12 octobre 1792) : « Vous avez été témoins dans vos départements combien de sacrifices les gens aisés ont été obligés de faire pour venir au secours de la classe indigente. Dans beaucoup de villes, des contributions additionnelles ont été faites pour des achats de grains et pour mille autres espèces de secours. »