Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/242

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
238
LA RÉVOLUTION


nicipalité, contrainte par la populace, taxe les grains à prix réduit[1]. — Plus une ville est grande, et plus elle a de peine à garnir son marché ; car elle doit tirer de plus loin ses subsistances ; chaque département, chaque canton, chaque village, retient pour soi ses grains, par la réquisition légale ou par la force brutale ; impossible aux gros marchands de blé de faire leur négoce ; on les appelle accapareurs ; la foule envahit leurs magasins ; ce sont eux qu’elle pend de préférence[2]. Aussi bien, le gouvernement a proclamé que leurs spéculations sont « des crimes » ; il va mettre leur commerce en interdit, se substituer à eux[3]. — Mais, par cette substitution, il

  1. Cf. la Révolution, IV, 127 ; VI, 18, 59. — Buchez et Roux, XX, 431 (Rapport de Lecointe-Puyraveau, 30 novembre 1792). Attroupements de quatre, cinq, six mille hommes, dans l’Eure-et-Loir, l’Eure, l’Orne, le Calvados, dans l’Indre-et-Loire, le Loiret et la Sarthe, qui taxent les denrées. Les trois délégués de la Convention, ayant voulu s’interposer, n’ont eu la vie sauve qu’à condition de proclamer eux-mêmes la taxe qu’on leur a dictée. — Ib., 409 (Lettre de Roland, 27 novembre 1792) ; XXI, 198 (Autre lettre de Roland, 6 décembre 1792) : « On arrête tous les convois à Lissy, à la Ferté-Milon, à la Ferté-sous-Jouarre. Des voitures de blé, allant à Paris, ont été forcées de rétrograder près de Longjumeau et près de Meaux. »
  2. Archives nationales, F7 3265 (Lettre de David, cultivateur et administrateur du département de la Seine-Inférieure, 11 octobre 1792 ; lettre du comité spécial de Rouen, 22 octobre ; lettre des délégués du pouvoir exécutif, 10 octobre, etc.) : « Il nous revient de toutes parts que les laboureurs qui portent aux Halles sont, dans leur paroisse, considérés et traités comme aristocrates… Les départements s’isolent les uns des autres et se repoussent mutuellement. »
  3. Buchez et Roux, XX, 409 (Lettre de Roland, 27 novembre 1792) : « La circulation des grains a éprouvé depuis longtemps les plus grands obstacles ; il n’est presque plus aucun citoyen qui ose aujourd’hui se livrer à ce commerce. » — Ib., 417 (Discours