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LES GOUVERNÉS


« indispensable pour conserver la vie, est une propriété commune à la société tout entière. Il n’y a que l’excédent qui soit une propriété individuelle, et qui soit abandonné à l’industrie des commerçants ». Plus solennellement encore, dans la Déclaration des Droits, adoptée à l’unanimité par la toute-puissante Société des Jacobins pour servir de pierre angulaire aux institutions nouvelles[1], le pontife de la secte inscrit ces formules, grosses de conséquences : « La société est obligée de pourvoir à la subsistance de tous ses membres. Les secours nécessaires à l’indigence sont une dette du riche envers le pauvre. Le droit de propriété est borné, et ne s’applique qu’à la portion des biens garantie par la loi. Toute possession, tout trafic qui préjudicie à l’existence de nos semblables est nécessairement illicite et immoral. » — Cela s’entend, et de reste : tout à l’heure la populace jacobine, ayant jugé que la possession et le trafic des épiceries préjudiciaient à son existence, a conclu que le monopole des épiciers était immoral et illicite ; en conséquence, elle

    vention, 2 décembre 1792). — Mallet du Pan, Mémoires, I, 400. Vers la même date, « une députation du département du Gard demanda expressément qu’il fût assigné une somme de 250 millions comme indemnité au cultivateur, pour les grains, qu’elle appelait une propriété nationale. Cette somme effrayante de 250 millions, ajoutait-elle, n’est pour l’État qu’une avance fictive, qui met à sa disposition des richesses réelles et purement nationales, lesquelles n’appartiennent en toute propriété à aucun membre distinct du corps social, non plus que les pernicieux métaux frappés aux coins monétaires ».

  1. Buchez et Roux, XXVI, 95 (Déclaration des Droits présentée à la Société des Jacobins par Robespierre, 21 avril 1793).


  la révolution, vi.
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