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LES GOUVERNÉS


réussira à meurtrir, peut-être à casser la tête ; de plus, très probablement, on obtiendra des pieds plusieurs mouvements convulsifs et des coups terribles. Mais il est sûr que, si l’on persévère, l’homme, saisi d’une angoisse inexprimable, finira par s’affaisser ; le sang ne circulera plus, la suffocation viendra ; le tronc et les jambes pâtiront autant que la tête ; les pieds eux-mêmes se refroidiront et deviendront inertes. — Telle est à peu près l’histoire de la France sous ses pédagogues jacobins. Leur théorie rigide et leur brutalité persévérante imposent à la nation une attitude contre nature ; par suite, elle souffre, et chaque jour elle souffre davantage ; la paralysie gagne ; les fonctions se déconcertent, puis s’arrêtent, et la dernière[1], la principale, la plus urgente, je veux dire l’entretien physique et l’alimentation quotidienne de l’individu vivant, se fait si mal, parmi tant de difficultés, à travers tant d’interruptions, avec tant d’incertitude et d’insuffisance, que le patient, réduit à vivre de privations croissantes, se demande tous les jours si le lendemain ne sera pas pire que la veille et si son demi-jeûne ne va pas aboutir au jeûne complet.

  1. Sur les autres fonctions plus compliquées, entretien des chemins, canaux, digues, ports et bâtiments publics, éclairage, propreté, hygiène, instruction supérieure, secondaire et primaire, service des hôpitaux, des hospices d’enfants trouvés et autres maisons de secours, sécurité des routes, répression des malfaiteurs et voleurs, destruction des loups, etc., voir Rocquain, État de la France au 18 Brumaire, et les Statistiques des départements publiées par les préfets, de l’an IX à l’an XIII. — Tous ces services avaient été presque anéantis ; le lecteur verra, dans les documents indiqués, les conséquences pratiques de leur suppression.