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LES GOUVERNÉS


sident ou conselier au parlement de Paris et de Toulouse. Je t’ainvite a prendre quelque choge aven de venir parcheque nous naurons pas fini de 3 hurres. Je t’embrase ma chère amie et épouge. » — Au même tribunal, le fondateur et l’organisateur de la chimie, le grand inventeur Lavoisier, condamné à mort, demande un sursis de quinze jours pour achever une expérience, et le président Coffinhal, autre Auvergnat, lui répond : « La République n’a pas besoin de savants[1]. » Elle n’a pas besoin non plus de poètes, et le premier poète de l’époque, l’artiste délicat et supérieur qui a rouvert les sources antiques, qui ouvre les sources modernes, André Chénier, est guillotiné ; nous avons en original le procès-verbal manuscrit de son interrogatoire, véritable chef-d’œuvre de baragouinage et de barbarie ; il faudrait le transcrire en entier avec « ses turpitudes de sens et d’orthographe[2] ». Lisez-le, si vous voulez voir un homme de génie livré aux bêtes, à des bêtes gros-

  1. Wallon, III, 402.
  2. Campardon, II, 350. — Cf. Causeries du lundi, IV, 164, le commentaire de Sainte-Beuve sur cet interrogatoire. — « André Chenier natife de Constentinoble… Son frere, vice-consulte en Espagne. » — Notez les questions sur sa santé, sa correspondance, et le coq-à-l’âne sur la « maison à Cottée ». — On lui demande où était, le 10 août 1792, le domestique qui le servait ; il répond qu’il l’ignore : « À lui représenté qua lepoque de cette journée que touts les bons citoyent ny gnoroit point leurs existence et quayant enttendu batte la générale, cettait un motife de plus pour reconnoitre tous les bons citoyent et le motife au quelle il setait employée pour sauvée la Republique. — A repondue qu’il avoit dite l’exate véritée. — À lui demandée quel était l’exatte véritée. — A répondue que cetoit toutes ce qui étoit cy dessue. »