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LES GOUVERNANTS


« quartier[1] : ils votent toujours pour nous ; on leur fait faire ce que l’on veut. » Nombre de manœuvres, cochers, charretiers et ouvriers de tout métier gagnent ainsi leurs quarante sous, et n’imaginent pas qu’on puisse leur demander autre chose. Arrivés au commencement de la séance, ils se font inscrire, puis sortent pour « boire bouteille », sans se croire tenus d’écouter l’amphigouri des orateurs ; vers la fin, ils rentrent, et, du gosier, des pieds, des mains, font tout le tapage requis, puis ils vont « reprendre leur carte et toucher leur paye[2] ». — Avec des claqueurs de cette espèce, on a vite raison des opposants, ou plutôt toute opposition est étouffée d’avance. « Les meilleurs citoyens se taisent » dans les assemblées de section, « ou s’abstiennent de venir » ; elles ne sont plus que des « tripots » où « les arrêtés les plus absurdes, les plus injustes, les plus impolitiques, sont pris à chaque instant[3]. Et, de plus, on y ruine les citoyens par des dépenses section-

  1. Dauban, Paris en 1794, 307 (Rapport du 29 mars 1794).
  2. Ib. (Rapport du 14 ventôse). — Archives nationales, F7, 31167 (Rapport des 9 et 25 nivôse) : « Il se trouve dans les sections une quantité de citoyens qui se font appeler, après la séance, pour avoir quarante sous. J’observe que la plupart sont des massons et même quelques cochers, conducteurs pour la nation, et qui peuvent se passer de cette indemnité de la nation et qui ne sert qu’à leur faire boire bouteille pour faire grand bruit. » — « Le peuple se plaint de ce que les personnes à qui l’on donne quarante sous pour aller aux assemblées de section ne font rien de la journée, pouvant travailler à différents métiers, et qu’ils se fient à ces quarante sous. »
  3. Ib., 312 (Note de Quêvremont). — Moniteur, XVIII, 508 (séance de la Commune, 11 frimaire an II) : « La section de Beaurepaire annonce que, voulant mettre un frein à la cupidité des mar-


  la révolution, vi.
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