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LES GOUVERNÉS


« il, un mois après le 9 Thermidor[1] ; il suffisait d’avoir des connaissances, d’être homme de lettres, pour être arrêté comme aristocrate… Robespierre,… avec un art atroce, déchirait, calomniait, abreuvait de dégoûts et d’amertumes tous ceux qui s’étaient livrés à de grandes études, tous ceux qui possédaient des connaissances étendues ;… il sentait que jamais les hommes instruits ne fléchiraient le genou devant lui… On a paralysé l’instruction, on a voulu brûler les bibliothèques… Faut-il vous dire qu’à la porte même de vos séances on met partout des fautes d’orthographe ? On n’apprend plus à lire et à écrire. » — À Nantes, Carrier se glorifiait d’avoir « dispersé les chambres littéraires », et, dans son dénombrement des malintentionnés, il ajoute, « aux négociants et aux riches », « les gens d’esprit[2] ». Parfois, sur les registres d’écrou, on lit qu’un tel est détenu « pour avoir de l’esprit et des moyens de nuire », un tel « pour avoir dit aux municipaux : Bonjour, Messieurs[3] ». — C’est que la poli-

  1. Moniteur, XXI, 645 (séance de la Convention du 14 fructidor an II). — Bibliothèque nationale, LB41, 1802 (Dénonciation des six sections de la commune de Dijon), 3 : « Malheur à ceux qu’une honnête aisance, une éducation soignée, une mise décente et quelques talents distinguaient de leurs concitoyens ! Ils étaient dévoués aux persécutions et à la mort. »
  2. Moniteur, XVIII, 51 (Lettre de Carrier, 17 brumaire an III). — Berryat-Saint-Prix, 36 et 38.
  3. Berryat-Saint-Prix, 240 (Détenus de Brest). — Duchatelier (Brest pendant la Terreur, 205). Sur les 975 détenus, il y a 106 ex-nobles, 239 femmes nobles, 174 prêtres ou religieux, 206 religieuses, 111 ouvrières, couturières, lingères, 56 cultivateurs, 46 artisans ou ouvriers, 17 marchands, 3 personnes de profession libérale. L’un d’eux est incarcéré « pour avoir des opi-