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LA RÉVOLUTION


et, comme dit Fouché, « un sceau de réprobation » ; « le superflu étant une violation évidente et gratuite des droits du peuple, tout homme qui a au delà de ses besoins ne peut plus user et ne peut plus qu’abuser[1]. Quiconque n’apporte pas à la masse l’excédent de son strict nécessaire… se place de lui-même au rang des hommes suspects… » — « Riches égoïstes, c’est vous qui causez tous nos maux[2]. » — « Vous avez osé rire avec mépris à la dénomination de sans-culottes[3] ; vous avez eu du superflu à côté de vos frères qui mouraient de faim : vous n’êtes pas dignes de faire société avec eux ; et, puisque vous avez dédaigné de les faire siéger à votre table, ils vous vomissent éternellement de leur sein et vous condamnent, à votre tour, à porter les fers que votre insouciance ou vos manœuvres criminelles leur avaient préparés. » — En d’autres termes, quiconque a sur la tête un bon toit et sur le corps un bon habit, homme ou femme, oisif ou travailleur, noble ou roturier, devient un gibier de prison et de guillotine, à tout le moins un serf taillable et corvéable à merci ; ses capitaux et ses économies, s’il ne les livre pas spontanément et à l’instant, font un corps de délit, et sont une pièce de conviction.

  1. Guillon de Montléon, II, 355 (Instructions données par Collot d’Herbois et Fouché, 26 brumaire an II).
  2. Comte de Martel, 117, 184 (Arrêtés de Fouché, Nevers, 25 août et 8 octobre 1793).
  3. Guillon de Montléon, ib. — Archives des affaires étrangères, tome 1411. Rapport des observateurs sur Paris, du 12 au 13 août 1793 : « Le riche est l’ennemi juré de la Révolution. »