Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/201

Cette page a été validée par deux contributeurs.
197
LES GOUVERNÉS


De ces deux griefs, un seul suffisait. — Et d’abord, à elle seule et par elle-même, « l’opulence, écrit Saint-Just, est une infamie » ; et, selon lui, on est opulent quand « on nourrit moins d’enfants qu’on n’a de mille livres de rentes » : effectivement, parmi les gens enfermés comme « riches et égoïstes », on trouve des personnes qui, d’après la déclaration même du Comité révolutionnaire, n’ont que 4000, 3700, 1500 et même 500 livres de revenu[1]. — D’ailleurs, la fortune ou l’aisance inspire à son possesseur des sentiments contre-révolutionnaires ; par suite, il est un embarras pour le moment : « Tu es riche, lui dit Cambon dans une prosopopée ; tu as une opinion qui nous occasionne des dépenses[2] » ; paye donc pour nous dédommager, et sache-nous gré de notre indulgence, si, par précaution, et jusqu’à la paix, nous te tenons sous des verrous. — « Riche, contre-révolutionnaire et vicieux », selon Robespierre[3], ces trois caractères se tiennent ; partant la possession d’un superflu quelconque est une marque infaillible d’aristocratie, un signe visible d’incivisme.

    200 000 livre (sic) de rente, et surtout un cy-devant avocat-général ».

  1. Comte de Martel, Fouché, 226-228. Par exemple, à Nevers, un homme de soixante-deux ans est détenu « comme riche, égoïste, fanatique, ne faisant rien pour la Révolution, propriétaire, ayant 500 livres de revenu ».
  2. Buchez et Roux, XXVI, 177 (Discours de Cambon, 27 avril 1793).
  3. « Quels sont nos ennemis ? Les hommes vicieux et les riches. » — « Tous les riches font des vœux pour la contre-révolution. » (Notes écrites par Robespierre, en juin et juillet 1793, et discours de Robespierre aux Jacobins, 10 mai 1793.)