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LES GOUVERNÉS


la séance seront imprimés à 6000 exemplaires, aux frais des signataires « les plus riches et les plus suspects », lesquels sont un ancien trésorier de France, un notaire, un épicier, la femme de l’ancien commandant de la gendarmerie, une veuve, une autre femme, « tous, dit l’agent, très solides en richesse et en aristocratie ». — « Bravo ! » crie l’assemblée à ce trait d’esprit : on applaudit et on chante « l’hymne national » ; il est neuf heures du soir ; la pénitence publique a duré six heures, et les Jacobins de Montargis se retirent, fiers de leur œuvre, ayant châtié, comme un attentat public, un témoignage ancien et légal de respect pour le magistrat public, ayant envoyé à l’échafaud ou à la prison, mis à l’amende, ou noté d’infamie, la petite élite locale, ayant dégradé jusqu’au niveau des filles surveillées et des repris de justice les femmes respectées et les hommes honorables, qui, de droit, sont les premiers sous un régime normal, et qui, sous le régime révolutionnaire, sont, de droit, les derniers[1].

IX

Deux avantages qui s’attirent l’un l’autre, la fortune et l’éducation, rangent un homme dans la classe supé-

  1. Le sentiment intime et l’objet final des Jacobins se montrent très bien à Strasbourg (Recueil de pièces authentiques, etc., I, 77 Séance publique du corps municipal, discours de Bierlyn, 25 prairial an II) : « Faudra-t-il vous représenter l’insipide arrogance de ces habitants (de Strasbourg), leur attachement insensé aux familles patriciennes qu’ils ont dans leur sein, l’absurde feuillantisme des uns et la vile flagornerie des autres ? Comment !