Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
191
LES GOUVERNÉS


surcroît de corvées personnelles. À Villeneuve-l’Aveyron et dans tout le département du Cantal[1], le représentant Taillefer et son délégué Deltheil chargent les comités révolutionnaires de « mettre en état de réquisition et conscription militaire tous les muscadins au-dessus de la première classe, c’est-à-dire de 25 à 40 ans », lesquels ne sont point atteints par la loi. « Par muscadins sont entendus tous les citoyens de cet âge, non mariés et n’exerçant aucune profession utile », en d’autres termes, les gens qui vivent de leur revenu. Et pour que, dans la classe moyenne ou supérieure, nul ne puisse échapper, l’arrêté soumet à des rigueurs spéciales, à des taxes supplémentaires, à l’arrestation arbitraire, non seulement les propriétaires et les rentiers, mais encore tous les individus désignés par les qualifications suivantes : « aristocrates, feuillants, modérés, girondins, fédéralistes, muscadins, superstitieux, fanatiques, fauteurs du royalisme, de la superstition, du fédéralisme, accapareurs, monopoleurs, agioteurs, égoïstes, suspects d’incivisme, et, généralement, tous les indifférents pour la Révolution » ; les comités locaux feront la liste nominative.

Parfois, dans une ville, quelque démarche collective, un vote, une pétition, fournit cette liste toute faite[2] ; il

  1. Archives nationales, AF, II, 92 (Arrêtés du représentant Taillefer, Villefranche-l’Aveyron, 3 brumaire an II, et de son délégué Deltheil, 11 brumaire an II).
  2. C’est le cas à Lyon, Marseille et Bordeaux, et à Paris, pour les signataires de la pétition de 8000 ou de la pétition de 20 000, pour les membres des clubs feuillants, etc.