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LA RÉVOLUTION


« tous les citoyens et citoyennes de Narbonne ont été requis pour le déchargement et le transport des fourrages ; que, ce matin, le représentant, de sa personne, ayant inspecté l’opération, n’a vu sur le canal que des sans-culottes et quelques jeunes citoyennes ; qu’il n’a trouvé aucun muscadin et aucune muscadine ; que les personnes dont les mains sont sans doute trop délicates pour se livrer, même passagèrement, aux glorieux ouvrages des robustes sans-culottes, ont, d’un autre côté, plus de ressources par leur fortune ; voulant donner aux riches de Narbonne le précieux avantage d’être aussi utiles à la République, » arrête que « les citoyens les plus riches de Narbonne » payeront dans les vingt-quatre heures un don patriotique de 100 000 livres, dont une moitié sera versée aux hôpitaux militaires ; l’autre moitié, sur la désignation d’un « Comité de bienfaisance composé de trois sans-culottes bien révolutionnaires », sera distribuée aux pauvres de la commune ; « si quelque riche égoïste refuse de verser son contingent, il sera, sur-le-champ, traduit dans la maison d’arrêt de Perpignan ». — Ne pas travailler de ses mains, être impropre aux œuvres de la force physique, cela seul est une tache en démocratie, et attire sur l’homme qui en est souillé, non seulement un surcroît de taxes pécuniaires, mais souvent aussi un

    et Lebas, Strasbourg, 10 brumaire an II). Ironie analogue : les riches de Strasbourg sont représentés comme « sollicitant un emprunt sur les personnes opulentes et des mesures de sévérité contre les égoïstes récalcitrants ».