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LES GOUVERNÉS


frère qui s’est élevé d’un degré dans le commerce ou dans l’industrie, qui a étudié, qui est devenu curé ou homme de loi, par une fille, une sœur qui s’est bien mariée ou qui s’est faite religieuse ; or le parent, l’allié, l’ami, le camarade d’un suspect est lui-même un suspect. Dernier signe contre-révolutionnaire et décisif : étant des hommes rangés et réguliers de mœurs, ayant prospéré ou s’étant maintenus sous l’ordre ancien, ils ont naturellement du respect pour les institutions de l’ancien régime ; ils gardent involontairement un fond de vénération pour le roi et surtout pour la religion ; ils sont catholiques pratiquants. Partant ils voient avec chagrin la fermeture des églises, l’interdiction du culte, la persécution des ecclésiastiques ; ils voudraient bien aller encore à la messe, faire leurs Pâques, avoir un curé orthodoxe qui pût leur conférer des sacrements valables, un baptême, une absolution, un mariage, une extrême-onction de bon aloi[1]. À tous ces titres, ils ont pour ennemis personnels les chenapans en place, et, par tous ces motifs, on les abat ; ce qui faisait leur mérite fait maintenant leur démérite. — Ainsi, c’est l’élite du peuple qui, dans le peuple, fournit la principale jonchée ; c’est contre l’aristocratie subalterne, contre

    douay, Châlons, 17 et 20 septembre 1792) : « À Meaux, les brigands ont égorgé 15 prisonniers, dont 7 prêtres, dont les parents sont de la ville ou des environs. De là un nombre immense de mécontents. » — Sauzay, I, 17 : « Les curés de campagne se recrutaient généralement dans la bourgeoisie rurale et parmi les plus honorables familles de cultivateurs. »

  1. Sauzay, passim, surtout les tomes III, IV, V, VI.