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LES GOUVERNÉS


les indigents, les vagabonds, les affamés ; car le travailleur le plus humble, le moins lettré et le plus malaisé est traité en coupable, en ennemi, par cela seul qu’on lui soupçonne quelques ressources ; il aura beau montrer ses mains gercées ou calleuses, il n’échappera ni à la spoliation, ni à la prison, ni à la guillotine. — À Troyes, telle pauvre fille de boutique, qui a monté un petit commerce avec de l’argent emprunté, demi-ruinée par une banqueroute, ruinée tout à fait par le maximum, infirme et mangeant pièce à pièce le demeurant de son fonds, est taxée à 500 livres[1]. Dans les villages d’Alsace, ordre d’arrêter les cinq, six ou sept plus riches de la commune, même s’il n’y a pas de riches ; en conséquence, on empoigne les moins pauvres, en leur qualité de moins pauvres, par exemple, à Heiligenberg, six « laboureurs », dont un manœuvre ou « journalier, comme suspect », dit le registre d’écrou, « parce qu’il

    de Robespierre à la Convention, 25 décembre 1795) : « Les vertus sont l’apanage du malheureux et le patrimoine du peuple. » — Archives nationales, AF, II, 72 (Lettre de la municipalité de Montauban, 23 vendémiaire an IV). Beaucoup d’ouvriers des manufactures ont été pervertis « par les démagogues furieux, par les orateurs des clubs, qui leur ont laissé entrevoir l’égalité des fortunes, et leur ont présenté la Révolution comme la proie de la classe qu’ils appelaient sans-culottes… La loi du maximum, d’abord assez bien exécutée, l’humiliation des riches, la séquestration des biens immenses des riches, semblaient devoir réaliser ces belles promesses. »

  1. Archives nationales, F7, 4421. Pétition de Madeleine Patris. — Pétition de Quétrent-Cognier, fabricant-tisserand, « sans-culotte et un des premiers de la création de la garde nationale de Troyes ». — (Le style et l’orthographe sont tout à fait barbares.)