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LA RÉVOLUTION


assidu à son bureau, régulier dans ses écritures, exact dans ses comptes. De père en fils, le gentilhomme avait servi bravement, le parlementaire avait jugé équitablement, par point d’honneur, avec un salaire moindre que l’intérêt de la somme qu’il avait versée pour acquérir son grade ou sa charge. Chacun de ces hommes n’avait que son dû ; son bien et son rang étaient l’épargne de sa race, le prix des services sociaux rendus par la longue file de ses morts méritants, ce que ses ancêtres, son père et lui-même avaient créé ou préservé de valeurs stables ; dans la bourse héréditaire qu’il tenait en main, chaque pièce d’or représentait le reliquat d’une vie, l’œuvre subsistante de quelqu’un de sa lignée, et, de ces pièces d’or, il avait fourni lui-même une portion. — Car les services personnels comptaient même dans la haute noblesse, à plus forte raison dans la moyenne, dans le tiers état et dans le peuple. Parmi les notables de tout degré que l’on vient de décrire, à coup sûr, la plupart, en 1789, étaient des hommes faits, beaucoup des hommes mûrs, plusieurs des hommes âgés, quelques-uns des vieillards ; par conséquent, pour justifier son rang et ses appointements ou ses bénéfices et sa fortune, chacun d’eux pouvait alléguer quinze ans, vingt ans, trente ans, quarante ans de travail et d’honneur, dans l’ordre privé ou dans l’ordre public, le grand vicaire du diocèse comme le premier commis du ministère, l’intendant de la généralité comme le président de la cour souveraine, le curé de ville, l’officier